Ils sont Tunisiens. Et ils s’imposent sans bulldozer commercial ni rouleau compresseur marketing façon Rotana. La diffusion de la musique via le web n’en est pourtant pas à son coup d’essai en Tunisie. Mais les lyrics sans concession sont inacceptables pour les laudateurs de notre cité idéale.
Ils sont méconnus du grand public. Ils ne passent pas à la radio, encore moins à la télé. Ils brillent pourtant de mille feux sur les ondes virtuelles, et mettent le feu dans les réseaux sociaux. Ce sont les stars tunisiennes de Facebook. Du bon brut pour les oreilles bourrées et rembourrées à en être bouchées et saturées avec la soupe FM. Ils n’ont pas les cheveux gominés et le sourire colgate des stars pacotille de la variétoche libano-égyptienne. Ils sont Tunisiens. Et ils s’imposent sans bulldozer commercial ni rouleau compresseur marketing façon Rotana. Leur album est librement téléchargeable sur le web.Ils s’appellent Si Lemhaf. Un duo electro-rock qui met du piment dans son malouf, pour concocter du son de «Ouf», pour reprendre les paroles de leur morceau «Haw el 7ess».
Lyrics sans concession
Sans oublier le rhino-féroce, le Karkadan du rap tunisien, qui lance ses invectives et son langage des rues façon NTM. Si en Tunisie ce type de paroles ne passent pas (sauf en anglais, car Dieu sait si on en entend des vertes et des pas mûres dans la langue d’Eminem dans les tubes diffusés par la bande FM tunisienne). Vous imaginez bien que les mêmes insultes en arabe à la mode de chez nous ne passeraient pas. Sacrilège ! H’ram ! Si Lemhaf est plus fin, pseudonyme oblige ! Sauf que l’on voit mal l’une de nos radios passer sa chanson sur la saleté de Tunis. Les lyrics sans concession sont à coup sûr inacceptables pour les premiers responsables des campagnes de la propreté et pour les laudateurs de notre cité idéale. En clair, le nouveau son que le Net tunisien déverse à plein tube est iconoclaste. Il ne reconnait pas les limites étroites et les règles désuètes et dépassées de la bienséance musicale.
Zemeken et Neshez
La diffusion de la musique via le web n’en est pourtant pas à son coup d’essai en Tunisie, et serait presque devenue une tradition dans notre pays. Une tradition instaurée depuis une dizaine d’années par des groupes chics et choc comme les Zemeken, et les Neshez.
A une époque où les réseaux sociaux n’avaient pas encore chamboulé les règles du jeu médiatique et audiovisuel. Leur audience est plutôt confidentielle aujourd’hui. L’effet Facebook, et les échos twitter ne sévissaient pas encore et n’ont donc pas joué leur effet démultiplicateur. Mais ces deux groupes ont le mérite d’avoir été parmi les pionniers, parmi ceux qui auront défriché les voies du web. Et ils ont su rassembler un public de fans attachés à cette branchitude à la tunisienne.
Les Zemeken ont ainsi concocté une version blues et jazzy de «3ammi ech Chifour» qui hérisserait même le brushing de Fatma Boussaha. C’est dire que ça décoiffe. Les trentenaires auront également apprécié les génériques des dessins-animés de leur enfance à une époque pas si lointaine où les plateformes d’échanges vidéo étaient encore historiquement «indisponibles», et pas à cause de Ammar. Les jours du VHS étaient certes comptés, mais le tout numérique n’avait pas encore tout à fait gagné la partie. Et l’hymne «sono Tunisino» de Neshez n’en finit pas de retentir depuis le carton de Kahloucha.
Exploser le blackout
Les nouveaux venus sont plus radicaux dans leurs approches sonores. C’est que les temps ont changé. Les difficultés d’émerger sont devenues plus grandes dans un contexte marqué par la médiocrité de la scène artistico-musicale. Pas d’équivalent tunisien pour les «Gnawa Diffusion», de l’algérien Amazigh Kateb. Notre scène est léthargique par rapport au dynamisme musical marocain, et ses Hoba Hoba Spirit. Les quelques essais issus de la scène alternative qui arrivent tant que bien mal à transpercer le mur du silence de la radio et télédiffusion à la tunisienne, sont inodores et incolores. Une platitude qui prémunit ses auteurs contre la mauvaise volonté (ou la prudence) des radios FM de Tunisie. On se contente de remâcher, rabâcher le défunt Ismaël Hattab en version folk pour faire «original». Affligeant. D’ici à ce que les playslists du Net et les web radio détrônent la bande FM. Et que le Lemhaf, et autres Rhinocéros du son tunisien explosent le blackout du système.
source : tekiano.com
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